François Bayrou envisage un référendum pour faire adopter son plan d’économies. Une idée explosive, mais est-elle réellement applicable ?
La question du budget 2026 suscite de fortes tensions. Face à l’ampleur des efforts attendus, le Premier ministre veut associer les Français par un référendum. Un pari politique risqué… et juridiquement complexe.
Bayrou mise sur les Français pour faire accepter son plan
Lors de son entretien au Journal du Dimanche, François Bayrou a surpris en évoquant l’éventualité d’un référendum sur le budget 2026. L’objectif est clair : valider directement auprès du peuple un « plan cohérent, avec des propositions claires et lisibles » destiné à réduire les déficits et la dette publique. Pour rappel, l’exécutif prévoit un effort budgétaire de 40 milliards d’euros l’an prochain, avec pour ambition de ramener le déficit à 4,6 % du PIB. Ensuite, le cap est fixé à moins de 3 % d’ici 2029.
Selon Bayrou, cette stratégie ne peut réussir que si les citoyens l’acceptent : « Il demandera des efforts à tout le monde », prévient-il. Il ne veut pas d’un passage en force, comme lors des réformes précédentes qui avaient entraîné grèves et manifestations. Cette fois, il appelle à une mobilisation collective autour d’un choix démocratique.
Une procédure très encadrée par la Constitution
Même si l’intention est affichée, l’organisation d’un référendum ne dépend pas du Premier ministre. Seul le président de la République, sur proposition du gouvernement ou du Parlement, peut décider d’y recourir. Ce mécanisme est prévu par l’article 11 de la Constitution, qui encadre strictement son utilisation. Le chef de l’État garde donc la main. D’ailleurs, François Bayrou l’admet lui-même : « Le gouvernement propose, le président décide. »
Du côté de l’Élysée, la prudence reste de mise. Selon une source proche, citée par l’AFP, « il est difficile de se prononcer tant que le contenu du plan n’est pas dévoilé ». Pour l’instant, Emmanuel Macron n’a pas donné de signal favorable. Il pourrait attendre la présentation officielle du budget avant de trancher.
Un précédent sensible et un cadre juridique flou
Le dernier référendum organisé en France remonte à 2005. À cette époque, les Français avaient rejeté le projet de Constitution européenne. Depuis, cette procédure n’a jamais été remise en œuvre. Plusieurs projets ont été envisagés – comme un référendum sur le climat en 2020 – mais tous ont été abandonnés.
Le recours au référendum sur une loi de finances, comme celle du budget 2026, pose de nombreuses questions. En théorie, l’article 11 permet un référendum sur des réformes économiques, sociales ou environnementales. Mais dans la pratique, le budget reste le cœur du travail parlementaire. Il est examiné, modifié et voté chaque année par les députés et sénateurs. Supprimer cette étape reviendrait à court-circuiter le Parlement, ce qui serait inédit.
Cette idée divise les juristes. Certains estiment que le gouvernement pourrait contourner l’obstacle en présentant le texte sous une autre forme, par exemple un projet de loi cadre ou une loi de programmation. D’autres rappellent qu’un tel usage du référendum pourrait être jugé contraire à l’esprit des institutions.
Une opposition vive et des alliés méfiants
Comme on pouvait s’y attendre, les réactions politiques ne se sont pas fait attendre. À gauche, Éric Coquerel (LFI), président de la commission des finances, dénonce une tentative de court-circuiter la représentation nationale. Pour Olivier Faure (PS), cette initiative est « farfelue » et traduit l’impuissance de l’exécutif.
À droite, le ton est tout aussi critique. Laurent Wauquiez (LR) accuse le Premier ministre de manquer de courage : « Il cherche à gagner du temps au lieu de décider. » Même dans la majorité, certains députés s’inquiètent d’un risque de rejet massif si le vote était organisé en pleine période d’austérité.
Au sein du gouvernement, plusieurs voix s’interrogent sur l’efficacité réelle d’un tel référendum. Même s’il était validé, il ne garantirait pas le vote du budget par le Parlement. En cas de rejet, le gouvernement pourrait se retrouver affaibli et l’avenir de la réforme gravement compromis.